Union des Syndicats de Pharmaciens d'Officine (USPO)

La fin programmée des exonérations sur le médicament vétérinaire

La nouvelle législation européenne sur le médicament vétérinaire sera transposée dans notre législation nationale, d’ici environ un an. La liste des exonérations, véritable verrou administratif pour la mise sur le marché de médicaments sans ordonnance, pourrait alors être remplacée par un système plus simple et plus transparent basé sur des critères européens. Jean-Pierre Orand, directeur de l’ANMV, a eu l’amabilité de répondre à nos interrogations.

Retrouvez l’article sur VETOFFICINE d’avril 2022

La transposition de la législation européenne va simplifier la commercialisation d’un médicament vétérinaire sans ordonnance

La nouvelle législation européenne, entrée en vigueur en janvier dernier, devrait changer les procédures nationales en les simplifiant. Il y aura une harmonisation des médicaments devant être prescrits par ordonnance dans tous les états membres. C’est sur la base de l’article 34.3 du règlement européen, qui définit les critères qui permettent l’exonération d’une ordonnance, transposé au niveau national, que l’ANMV, sollicitée lors d’un dossier d’AMM déposé par un laboratoire, statuera sur la possibilité d’exonérer d’ordonnance un médicament vétérinaire.

Vetofficine : Bonjour Jean-Pierre, pouvez-vous nous rappeler comment l’ANMV intervient dans le circuit complexe du médicament vétérinaire en France ?
Jean-Pierre Orand : L’ANMV évalue les risques inhérents aux médicaments vétérinaires, et délivre les autorisations administratives relatives aux médicaments vétérinaires, à leur fabrication, décide des éventuelles suspensions, et gère avec l’industrie les rappels de lots. En ce qui concerne les établissements pharmaceutiques et leur contrôle, elle est en charge de la fabrication et de la distribution en gros.

Pour les contrôles de la mise en oeuvre de la législation au niveau des ayants droit, c’est une responsabilité conjointe des ministères de la Santé et de l’Agriculture par l’inspection de la pharmacie (gérée au niveau des directions départementales DDPP et des ARS). Ces deux ministères sont en charge de l’adoption de la réglementation nationale relative au médicament vétérinaire dont l’arrêté ministériel qui définit la liste actuelle des substances exonérées.

Vetofficine : À votre connaissance, une révision de la liste des exonérations de la règlementation des substances vénéneuses pour animaux de compagnie, promulguée par l’arrêté du 24 avril 2012, est-elle à l’ordre du jour dans un avenir proche ?
Jean-Pierre Orand : Pas à ma connaissance, nous n’avons pas instruit une telle demande depuis de très nombreuses années. Mais je pense que, sous réserve des textes que vont adopter les ministères de la Santé et de l’Agriculture, la nouvelle législation européenne, entrée en vigueur en janvier dernier, devrait changer les procédures nationales en les simplifiant. 
En effet, les différents intervenants, ministère de la Santé et ministère de l’Agriculture, ont déposé auprès du Conseil d’État une ordonnance pour modifier le code de la Santé publique afin d’y intégrer la nouvelle règlementation européenne.

Vetofficine : Qu’est-ce qui va changer avec la transposition de la règlementation européenne et sous quel horizon ?
Jean-Pierre Orand : Actuellement, la procédure d’exonération d’une substance est complexe. Une demande est instruite par les différents ministères — sur la base d’un rapport scientifique de l’ANMV — puis, si la décision est favorable, la molécule est ajoutée à la liste d’exonération. Un laboratoire peut alors déposer un dossier à l’ANMV afin d’obtenir une AMM qui exonère le médicament d’ordonnance. 
Ce circuit complexe et long devrait être simplifié, sous réserve que l’ordonnance soit approuvée par le Conseil d’État et que la rédaction des décrets d’application par les différents ministères soit conforme à nos prévisions. Les médicaments vétérinaires seront alors déconnectés de la règlementation sur les substances vénéneuses ; ainsi nous n’aurons plus la notion de liste I et II. Du fait de l’application du règlement européen en droit français, l’ANMV décidera, lors de la délivrance de l’AMM, si le médicament est sur ordonnance ou pas. Le système d’exonération n’existera plus au niveau des médicaments vétérinaires ! L’ordonnance devrait être validée par le Conseil d’Etat, puis publié au JORF avant le 4 avril 2022, puis viendront les décrets d’application sous moins d’un an. En 2023, tout devrait être en place.

Vetofficine : C’est un bouleversement, l’initiative pour les laboratoires et face à eux un seul interlocuteur, l’ANMV !
Jean-Pierre Orand : Avec la nouvelle règlementation européenne, nous aurons une harmonisation des médicaments devant être prescrits par ordonnance dans tous les états membres. En France, nous avons à peu près les mêmes critères que ce que prévoit le nouveau règlement (R2019/6). D’ailleurs, plus de 95 % des médicaments sont autorisés dans le cadre d’une procédure européenne. C’est l’article 34.1 du règlement européen qui définit les critères pour lesquels le médicament doit être sur ordonnance et c’est l’article 34.3 qui définit les critères qui permettent l’exonération d’une ordonnance. C’est donc sur la base de ces articles, que l’ANMV, sollicitée lors d’un dossier d’AMM déposé par un laboratoire, statuera sur la possibilité d’exonérer d’ordonnance un médicament vétérinaire.

Vetofficine : Si on dépasse une approche « principe de précaution » poussée à l’extrême, pourquoi autant de restrictions pour la mise à disposition des pharmaciens de médicaments sans ordonnance, à destination des animaux de compagnie, particulièrement pour la prise en charge de la douleur (AINS courant), des dermocorticoïdes, des collyres et bien d’autres ? Alors qu’ils sont en vente libre pour les humains et notamment les enfants.
Jean-Pierre Orand : Premier élément de réponse, il y a peu de médicaments OTC pour animaux, car de nombreuses spécialités sont mixtes animaux de compagnie et animaux de rentes et il existe la possibilité de la cascade vers les animaux de production qui rend nécessaire une sécurisation du consommateur. Même des anti-inflammatoires basiques doivent justifier de LMR lorsqu’ils sont administrés à un animal de rente. Le second élément de réponse est à chercher auprès des laboratoires pharmaceutiques. Si aucune demande n’est faite pour exonérer un médicament, nous n’instruisons pas cette possibilité.

Vetofficine : Si on vous comprend bien, les laboratoires doivent attendre quelques mois que les décrets soient publiés, et puis déposer des dossiers bien ficelés qui respectent les critères de l’article 34.3, afin d’offrir aux pharmaciens les médicaments vétérinaires OTC qu’ils attendent. C’est bien cela ?
Jean-Pierre Orand : Pour l’instant, il faut rester prudent, mais nous mènerons à bien nos missions pour tous les laboratoires qui en feront la demande, dans le respect des critères adoptés dans notre législation.

Médicaments vétérinaires OTC : La balle sera dans le camp des laboratoires !
Selon Jean-Pierre Orand : « L’ANMV, sollicitée lors d’un dossier d’AMM déposé par un laboratoire, statuera sur la possibilité d’exonérer d’ordonnance un médicament vétérinaire. »

Contraceptifs oraux pour chiens et chats : la tendance n’est pas à la libéralisation
En ce qui concerne les contraceptifs oraux pour animaux de compagnie, la législation n’ira pas vers la libéralisation, car nous
observons une augmentation du nombre de cas d’effets indésirables.
Dans de nombreux pays d’Europe, les prescriptions sont limitées à 3 mois. Or, certaines personnes donnent à leurs animaux des contraceptifs oraux à vie, ce qui n’est pas souhaitable. 
Le diagnostic et le suivi du vétérinaire nous paraissent indispensables pour sécuriser l’usage et réduire les risques d’effets secondaires. La gestion de la contraception orale nous parait complexe. La politique du ministère de l’Agriculture favorise la stérilisation, quitte à la rendre plus accessible pour les plus démunis. L’ANMV dispose des chiffres de pharmacovigilance dont nous ferons état dans une future publication.

Les organisations de pharmaciens, notamment, l’ANPVO et l’UNPVO, passent à l’offensive afin de corriger les principaux dysfonctionnements en matière de vente des médicaments vétérinaire.

Vetofficine : Bonjour Guy Barral, qu’est-ce qui nuit encore à la mise en œuvre de législation actuelle de façon satisfaisante ?
Guy Barral : La Loi N° 75-409 du 29 mai 1975 (décret N° 596-2007 du 24 avril 2007) se fonde sur quelques grands principes. 
Premier principe : la rédaction d’une ordonnance par le vétérinaire, après chaque examen d’un animal qui nécessite la délivrance de médicaments.
Deuxième principe : L’ordonnance doit être remise au propriétaire de l’animal, après l’examen, mais surtout avant la délivrance ou la vente. 
Et non après ! Comme c’est actuellement le cas dans  pratiquement la totalité des cabinets vétérinaires. 
Ce combat n’est pas un combat corporatiste, mais un combat pour la liberté de choix du consommateur.
Actuellement, la très grande majorité des particuliers et des éleveurs se trouvent, de fait, prisonniers du monopole vétérinaire ; ce qui a pour effet une augmentation  des coûts de traitement et un moindre accès aux soins.

Vetofficine : C’est un problème récurrent, mais, selon les appels de nos abonnés, ce n’est pas le seul. Que pensez-vous des mentions « à ne pas renouveler ».
 C’est une autre technique illégale et profondément anticoncurrentielle utilisée par les vétérinaires pour entraver le libre choix du consommateur. Ces mentions systématiques pré-imprimées sur les ordonnances « à ne pas renouveler » ou « déjà délivré » sont proscrites, elles doivent être sanctionnées.

Vetofficine : Nous constatons sur le terrain un deux poids deux mesures lors des inspections de la pharmacie. Que comptez-vous faire ?
Nous observons une inégalité de traitement, flagrante par rapport aux contrôles diligentés dans les pharmacies, conduits par des vétérinaires et flanqués de pharmaciens peu concernés par ce thème. Des exemples récents le confirment, avec des sanctions dérisoires pour 
des délivrances par des vétérinaires de palettes entières de médicaments à plus de 600 km de leur domicile professionnel. À l’inverse, des infractions mineures, comme un mauvais emplacement du rayon vermifuges, produits pourtant exonérés, peuvent donner lieu à des sanctions. 
Les instances pharmaceutiques ne se mêlent pas assez des pratiques des vétérinaires vendeurs dérogataires, mais majoritaires, et, a contrario, les instances vétérinaires se mêlent beaucoup trop des pratiques des pharmaciens, pourtant très minoritaires, tendant
à faire place nette au quasi-monopole de fait de leurs semblables.

Vetofficine : Nos abonnés sont scandalisés par l’absence de médicaments vétérinaires exonérés, délivrables sans ordonnance, pour soulager la douleur, une rougeur oculaire, ou de simples démangeaisons locales. Allez-vous enfin faire pression pour réviser la liste des exonérations et aligner conseils pour les enfants et conseils pour les animaux de compagnie?
L’absence de révision de la liste des exonérations adoptée en 2012, soit maintenant plus de 10 ans, pénalise  les propriétaires d’animaux. Cette liste, qui devait être révisée régulièrement au minimum tous les 5 ans, a fait l’objet  d’un refus systématique de réexamen de la part de nos autorités à chacune de nos demandes. 
Force est de constater une différence de traitement inexplicable entre les médicaments disponibles pour les humains, y compris les enfants, et les médicaments disponibles pour les animaux de compagnie, notamment en ce qui concerne le traitement de la douleur, l’usage de corticoïdes locaux, l’absence de collyre antiseptique et ainsi de suite…
Pour toutes ces raisons, les organisations professionnelles de pharmaciens, lancent des campagnes de communication auprès du grand public et vont aussi exiger de l’administration le réexamen de la liste des exonérations.

Vetofficine : Nous sommes en année électorale, avez-vous contacté les différents candidats sur ces points précis ?
Nous approchons les différents candidats pour obtenir des éclaircissements sur leur position par rapport à la distribution du médicament vétérinaire en France et à la correction les anomalies décrites plus haut. Nous ne manquerons pas d’exposer aux pharmaciens les positions respectives des différents candidats.